En Occitanie, des faneurs…
A nuit finissante, des perles de rosée étaient délicatement déposées sur le pré verdoyant.Réglée telle du papier à musique, se jouait alors la partition du faucheur. Dès l’aube naissante, la faux, maniée avec dextérité, allait et venait au ras du sol, fauchant méthodiquement l’herbe arrivée à maturité . Dzin, Dzin, Dzin, la pierre lombarde redonnait à la faux le fil affûté semblable à celui du rasoir. A l’ombre du noyer, la battaison du faucheur rendait à l’outil la pleine efficacité de son tranchant.Pin, pan, pin, pan, sur un rythme de métronome, la faux, posée sur l’enclumette, était battue, tenue d’une main par le faucheur assis au pied du noyer, l’autre main assénant les coups de marteau réguliers qui revenaient en écho depuis la garenne proche. Haut dans le ciel, le soleil asséchait la rosée, transformant en douceur l’herbe fraîchement coupée en foin odorant. L’heure de la fenaison venue, comme issues d’une génération spontanée, des myriades d’insectes voletaient au-dessus des andins . Agacés, les faneurs, d’un geste machinal, chassaient les importuns, n’interrompant qu’un court instant le mouvement répétitif de la fourche ou du râteau. Se piquant d’audace, taons et mouches fondaient en escadrille sur le mufle des bovins, qui, en riposte, extirpaient de leurs naseaux envahis, d’un habile coup de langue les insectes aventureux. Martinets et hirondelles s’en donnaient à cœur joie happant au vol hannetons, mouches et moustiques, piaillant à qui mieux mieux, slalomant à proximité des besogneux de l’été.
A l’ombre des chênes, en lisière du pré, accomplie leur mission attelée de tonte du pré, la paire de bœufs paissait en conscience avant de ruminer en cadence. Tout en bas du pré, glougloutait l’eau du ruisseau gardant fraîche la bouteille d’eau agrémentée de trois morceaux de sucre et quelques gouttes d’alcool de menthe. Épongeant d’un revers de main la sueur de leur front, les faneurs, mère et enfants, se désaltéraient de ce breuvage, laissant au faucheur sa bouteille de vin qui étancherait sa soif tout en lui redonnant du cœur à l’ouvrage. Au mitan de la matinée, faucheur et faneurs se regroupaient à l’ombre protectrice du chêne tout à côté des animaux ruminant sans désemparer. Du panier d’osier, sortaient la soupière de soupe mitonnée, caillades rafraîchissantes et quignon de pain qui s’engloutissaient dans les gosiers affamés des travailleurs de l’été.
Midi sonnant aux cloches de l’église, le soleil proche de son apogée, annonçaient en Occitanie l’heure du mérindat précédant la plandière réparatrice avant le retour au pré poursuivre la besogne entamée jusqu’à son achèvement, le plongement du foin sur la jouque. Les bœufs, délivrés du joug, ruminaient sagement à l’ombre de l’étable, attendant sans impatience le prochain attelage pour une mission immuable inscrite dans le dur labeur du foin à engranger.
Jean – Claude, le 19 mai 2024
La chanson du faucheur
La faux sur le bras,
Coffin à la ceinture
J’allais au pré
Faucher ras
Sans bavure
L’herbe de bon gré.
Dzïn, dzïn, dzïn, chantait la faux
En écho, tip, tap, tip, tap,
Répondait le marteau
Devant, le maître valet
Ouvrait la brèche
Et commençait le ballet
Cadencé des faucheurs
Au grand dam de la pie-grièche
Dérangée par ces danseurs.
Dzïn, dzïn, dzïn, chantait la faux
En écho, tip, tap, tip, tap,
Répondait le marteau
Du coffin empli d’eau
Je sortais ma pierre lombarde
Pour aiguiser ma faux
Elle se faisait bavarde
Son fil de rasoir retrouvé
Au tranchant éprouvé.
Dzïn, dzïn, dzïn, chantait la faux
En écho, tip, tap, tip, tap,
Répondait le marteau
Pour retrouver le fil de la conversation
Une faux doit être battue
Bien assis devant mon enclumette
Martelant en cadence et sans ostentation
Je pensais à ma blondinette
Elle m’attendait là-bas au Battut
Dzïn, dzïn, dzïn, chantait la faux
En écho, tip, tap, tip, tap,
Répondait le marteau
Oui, maintenir la tradition, c’est aller dans le sens de l’Humain :
oublier le passé, ne serait-ce pas s’apprêter à revivre les douloureux moments de l’Histoire ?
Mais voilà qui nous éloigne du fauchage à la faux …
Cependant, ce fut une belle journée
à mettre à l’actif du monde associatif,
en l’occurrence, l’association QVB CS V et Générations Mouvement à La Chapelle-aux-Saints